DE LA RELIGION... de Benjamin Constant

Le fondement épistémologique et métaphysique*

(Sabina Kruszyñska)**

 

1. Les remarques préliminaires.

Dans de nombreux volumes de l'histoire de la philosophie, on ne peut pas trouver le nom de Benjamin Constant. Il serait exagéré d'affirmer que ce manque soit une injustice de la mémoire humaine. Benjamin Constant n'était pas philosophe. Aucune de ses oeuvres n'est pas un ouvrage philosophique. Néanmois, à chaque siècle, et particulièrement au siècle d'abaissement de la pensée philosophique commune, un véritable esprit philosophique réside même en dehors d'oeuvres strictement philosophiques. Dans certains ouvrages littéraires, politiques, etc. nous pouvons trouver les réponses de valeur aux questions fondamentales; aux questions relatives à la structure de la nature humaine et la structure de l'univers humain. Les réponses de valeur, ce sont d'aprés moi les réponses qui ne prétendent pas être exclusivement justes, qui ne réduisent pas les phénomènes culturels aux phénomènes biologiques, mais qui, en même temps, reposent sur de solides fondations empiriques et tout en présentant une clarté de notions et une cohérence logique. Elles résultent alors des efforts d'expliquer rationnellement la réalité humaine en tenant compte de sa complexité. Je pense que quelques oeuvres de Benjamnin Constant sont les oeuvres de ce genre, et que notament De la religion... est un tel ouvrage.

Il serait intéressant, bien sûr, de faire une analyse historique des idées philosophiqes constantiennes en les situant parmi d'autres idées de son époque, de l'époque précédente et de l'époque suivante. Mais il est aussi possible, et je le trouve plus passionnant, de suivre et de mettre en lumière les conceptions constantiennes qui sont le fondement épistémologique et métaphysique de sa pensée en général. Je voudrais examiner ces conceptions dans lesquelles les germes de vérité sur l'homme et son monde survivaient jusqu'à nos temps. C'est une tâche immense et elle est encore à faire. Dans cette communication je peux seulement marquer les principales lignes de mes recherches.

2. L' aspect cognitif - L'objet et la méthode.

"Pour arriver à la vérité, il faut

toujours considérer les questions

sous toutes leurs faces."

(B.Constant, Du polythéisme... I.)

a. L'objet

De la religion..., l'oeuvre sur l'histoire de la religion serait une oeuvre exclusivement historiographique si'il y manquerait quelques dizaines de pages et quelques dizaines de phrases. Une d'entre ces phrases nous présente un objet réel des investigations constantiennes:

"L'on n'a jusqu'ici envisagé que l'extérieur de la religion. L'histoire du sentiment intérieur reste en entier à concevoir et à faire" (De la religion..., p.13)

En examinant et en présentant de nombreux faits de l'histoire de la religion, Constant a un but principal - découvrir et décrire un fonctionnement complexe d'un unique sentiment religieux dans une diversité des formes religieuses. On peut dire, en appliquant une terminologie plus moderne, qu'il cherche une structure fonctionnelle interne dans les jeux superficiels des évémements. Il examine les manifestations du sentiment religieux dans la religion, dans les systèmes philosophique, morale et politique. Alors, pour Constant, tout ce qui fait l'objet de la connaissance se transforme et se redouble en objet empirique et en objet hypothétique. Connaître l'objet c'est-à-dire le saisir comme l'ensemble diachronique (empirique) et synchronique (hypothétique) en même temps. La structure fonctionnelle interne a des relations multiples et compliquées avec la surface changeante. Il n'est pas possible alors de fixer pour toujours ces relations quoiqu'elles soient les manifestations d'une cause stable; mais il ne serait pas aussi possible d'expliquer les jeux des événements actuels sans les efforts de les decouvrir avec toute leur dynamique. Tout forme un système, un ensemble, alors, tout doit être considéré comme tel. Constant exprime ses intuitions sur la spécificité de son objet en écrivant p. ex.:

"Comme elle [la religion - S.K.] modifie tout ce qu'elle touche, elle est aussi modifiée par tout ce qui la touche. Les causes se rencontrent, s'entre-choquent, et se font plier mutuellement. Pour expliquer la marche d'une religion, il faut examiner le climat, le gouvernement, les habitudes présentes et passées du peuple qui la professe: car ce qui existe influe, mais ce qui n'existe plus ne cesse pas toujours d'influer. Les souvenirs ont comme les atomes d'Epicure, des éléments rentrant toujours dans la compositon des combinaisons nouvelles. Conduire le lecteur à travers ces recherches, serait écrire une histoire universelle." (D.l.R., pp.214/215).

Il est évident qu'il parle ici du niveau empirique qui est representé par les formes religieuses donc, à son tour, ne sont pas à comprendre que dans ses relations multiples avec le sentiment religieux (hypothétique).

Constant parle du caractère hypothétique du sentiment religieux (comme une règle stable et comme une cause efficace) au début de son ouvrage:

"Si donc il y a dans le coeur de l'homme un sentiment qui soit étranger à tout le reste des êtres vivants, qui se reproduise toujours, quelle que soit la position où l'homme se trouve, n'est-il pas vraisemblable [soulignement S.K.] que ce sentiment est une loi fondamentale de sa nature?" (D.l.R., p. 3)

Étant un être hypothétique le sentiment religieux n'est pas à appréhender que par ses formes.

Constant, construisant l'objet des ses recherches comme un tout structuré, complexe et variable, et voulant le décrir, se charge d'un travail énorme et hasardeux. On peux dire qu'il en a réalisé une part assez signifiante.

b. La méthode.

Il faut constater qu'avoir pleine conscience d'une complexité de l'objet, n'est pas encore avoir une idée d'une méthode suffisante pour l'explorer. Constant n'avait pas à sa disposition que les méthodes connues et employées dans l'historiographie, dans l'empirisme et dans le rationalisme philosophiques et, moins utiles dans son espace de recherche, les méthodes des sciences naturelles. Il était trop attaché à la réalité pour traiter sérieusement les méthodes purement spéculatives proposées par les philosophes allemandes. Alors, pour accomplir sa tâche difficile, Constant unie les méthodes historiques, empiriques et rationnelles. Il n'élabore pas une méthode spécifique, originale ni précise mais on peut remarquer qu'il veut agir selon une manière qui lui permettrait d'examiner l'objet le plus exactement possible. Je voudrais faire quelques remarques sur ce sujet.

Dans le chapitre VI De la religion... (De la manière dont on a jusqu'ici envisagé la religion) Constant écrit:

"...que presque tous ceux qui ont voulu aborder ce vaste sujet aient fait fausse route." (D.l.R., p.101)

Il analyse précisément les causes diverses des erreurs commises (les causes frequentes sont les réductions simplificatrices de l'objet) mais une d'entre elles me semble particulièrement intéressante; non seulement parce qu'elle concerne presque tous auteurs discutés, mais qu'elle soit un principe général de la position cognitive de Constant. Il s'agit du principe d'objectivisme cognitif.

Constant reproche aux auteurs français, anglais et allemands (les Allemands sont les seuls qui ont apporté les idées justes et nouvelles parce qu'ils avaient aperçu que la religion fait un système de symboles et que ces symboles sont historiquement variables) qu'ils ont preferé être les défenseurs de leurs convictions et de leurs partis que les chercheures d'une vérité. Comme Voltaire, ils ont pensé "qu'il valait mieux frapper fort que juste" (D.l.R., p. 112).

Selon Constant l'objectivité forme la base de chaque recherche de valeur. Il constate:

"La recherche est immense. Ceux même qui la croient telle, ne l'ont pas appréciée dans toute son étendue. Bien qu'on ait beaucoup écrit sur cette matière, la question principale reste encore inaperçue. Un pays peut être long temps le théâtre de la guerre, et demeurer, sous tous les autres rapports, inconnu aux troupes qui le parcourent. Elles na voient dans les plaines que des champs de bataille, dans les vallons que des défilés. Ce n'est qu'à la paix qu'on examine le pays pour le pays même." (D.l.R., pp.12/13)

Qu'est-ce qu'on peut faire pour garder l'objectivité en examinant les faits historiques (socials et culturels)? La réponse constantienne, que j'essayais de reconstruire, contient une germe d'idée de l'interprétation herméneutique (l'influence de Schlegel?).

Costant, en concevant son objet comme un système structuré, le comprend aussi comme un ensemble des phénomènes de la conscience qui changent dans un processus du développement de l'esprit humain. Il pense alors qu'il est nécessaire d'interpréter chaque élément de ce système à travers les sens communs de ce tout organisé parce que:

"Parmi les opinions comme parmi les hommes, tout tourne au profit de la puissance. Lors qu'une opinion est dominante, elle force toutes les idées contemporaines à se grouper autour d'elle et à la servir." (Du polythéisme... v.I; p. 252)

et, en même temps:

"On n'invente pas les opinions; elles naissent dans l'esprit des hommes, indépendament de leur volonté."(D.l.R., p. 209)

Les sens communs sont à saisir par une analyse psychologique (on analyse en effet les faits de conscience) et contextuelle des idées religieuses, philosophiques, littéraires, etc. à la condition qu'on voit au processus du développement de ces idées les efforts de la conscience humaine d'expliquer les conditions et le sens de son existence.

Pour Constant:

"...chaque génération est placée comme un point dans la vaste série des choses humaines, pour profiter de ce qui a été fait, et pour préparer ce qu'il y a à faire." (D.l.R., p. 125)

Chaque interprétation contextuelle et psychologique cherche les garanties de son objectivité dans l'unité des expériences humaines - les expériences intersubjectives et subjectives. Aux propositions herménutiques classiques (p. ex. W. Dilthey) cette unité possède son enracinement profond dans la nature humaine. Pour les conceptions antymétaphysiques (p. ex. postmodernisme) pour lesquelles la catégorie de la nature humaine n'existe pas, aucune catégorie d'objectivité n'est pas possible. On voit alors que pour Constant une structure hypothétique - la nature humaine - est un à priori cognitif sans lequel les phénomènes culturels resteraient incompréhensibles et non-exprimables dans la connaissance objective.

3. L'aspect métaphysique - l'anthropologie philosophique et l'axiologie.

a. L'anthropologie philosophique.

D'une manière générale, la nature humaine c'est un ensemble des potentiels et des inévitables fixé à l'homme, aussi que la façon de laquelle ces potentiels se manifestent et ces inévitabilités percent réellement. On peut dire autrement qu'elle est une totalité des tendences et des dispositions hypothétiques, qui pourraient expliquer les élémentes stables visibles dans le comportement des êtres humains et communs pour eux (v. Boguslaw Wolniewicz; Filozofia i wartosci; WFiS UW Warszawa; 1993; p.95 et p.245).

Je n'analyserai pas la conception constantienne de la nature humaine. J'en ai fait dans mon article intitulé "La nature humaine - l'enracinement anthropologique du libéralisme de Benjamin Constant". J'y présente la nature humaine comme une structure dynamique interne composée de trois élémentes suivants: le sentiment religieux, l'esprit et la vis vitalis. Dans un comportement d'un individuum humain ces trois élémentes se manifestent, respectivement, comme la capacité d'éprouver des sentiments supérieurs (selon la compréhension de Max Scheler) et sous les formes différentes de la rationalité et de l'animalité. Ce que je voudrais faire ici c'est d'accentuer la spécificité de l'anthropologie philosophique de Constant.

Chaque l'opinion sur la nature humaine, claire et plus ou moins cohérente, peut être nommée une anthropologie philosophique. Il est alors évident qu'il existe autant d'anthropologies philosophiques que d'opinions sur la nature humaine. Il est néanmoins possible de les grouper en deux catégories: celle des anthropologies naturalistes et celle des anthropologies antinaturalistes. Selon les premières l'homme n'est qu'une partie de la nature. Les deuxièmes rejettent la these naturaliste et affirment que l'homme ne soit seulement une partie de la nature mais qu'il la dépasse Un dépassement ne se realise qu'au niveau de la concience. Les antinaturalistes affirment que l'homme, dépasse la nature parce qu'il ait une concience des valeurs objective, c'est-à-dire, des valeures qui existent par elles-mêmes indépendamment des besoins et des désirs humains (V.B. Wolniewicz; op. cit.; pp. 95/96).

L'anthropologie de Constant est antinaturaliste. La thèse sur l'existence "dans le coeur humain" du sentiment religieux - d'une tendence humaine stable et commune - forme le noyau de cet antinaturalisme.

Selon Constant le sentiment religieux (datum extrême de sa réflexion philosophique) est la source d'une dissonance entre l'homme et tout le reste du monde. Il déclare au début de son livre:

"Nous ne rechercherons point ici quelle est l'origine de cette disposition, qui fait de l'homme un être double et énigmatique, et le rend quelquefois comme déplacé sur cette terre." (D.l.R., pp. 33/34.).

Probablemant, sans le sentiment religieux l'homme ne pourrait fonctionner qu' au niveau quasi animal où même sa rationalité ne serait pas la garantie suffisante de l'humanité. Il faut réfléchir alors:

"...si en repoussant le sentiment religieux, (...), l'espèce humaine ne se dépouille pas de tout ce qui constitue sa suprématie, abdiquant ainsi ses titres les plus beaux, s'écartant de sa destination véritable, se refermant dans une sphère qui n'est pas la sienne, et se condamnant à un abaissement qui est contre sa nature." (D.l.R., pp. XXII/XXIII).

La réponse de Constant est déterminée: sans le sentiment religieux l'homme serait un animal rationnel mais il ne serait pas l'homme parce que "être l'homme" signifie "être un animal rationnel et moral en même temps". Il écrit:

"Tous les systèmes se réduisent à deux. L'un nous assigne l'intérêt pour guide, et bien-être pour but. L'autre nous propose pour guide le sentiment intime, l'abnégation de nous-mêmes et la faculté du sacrifice. En adoptant le premier, vous ferez de l'homme le plus habile, le plus adroit, le plus sagace des animaux; mais vous le placerez en vain au sommet de cette hiérarchie matérielle: il n'en restera pas moins au-dessous du dernier échelon de toute hiérarchie morale." (D.l.R., pp XXXVIII/XXXIX).

On ne peut pas réduire l'humanité à un égoïsme rationnel et séparer la rationalité et l'égoïsme de l'émotivité si on veut donner à l'homme la possibilité d'être non seulement intelligent mais aussi bon. Être bon (faire le bien) ça exige au mois deux fondements: la capacité de distinguer le bien du mal et la volonté du bien. (Je parle de la volonté du bien, pour éviter la notion de la bonne volonté). Ça exige alors la raison (la raison pratique selon Kant) non mois qu' une force qui pourrait pencher la volonté vers le bien. Constant voit cette force dans le sentiment religieux. Il apercevait dans ses manifestations réels le fonctionnement permanent de l' idée du sacrifice désintéressé et il juge que les réalisations de cette idée, plus ou moins exactes, ne soient pas possibles que par l'action de l'amour, le seul sentiment qui nous fait oublier nous-mêmes. Selon Constant le sentiment religieux:

"est toujours d'accord avec la sympathie, la pitié,la justice, en un mot, avec toutes les vertus."(D.l.R., s. 65);

et:

"L'idée du sacrifice est inséparable de toute religion. L'on pourrait dire qu'elle est inséparable de toute affection vive et profonde. L'amour se complaît à immoler à l'être qu'il préfère tout ce que d'ailleurs il a de plus cher; il se complaît même, dans son exaltation raffinée, à se consacrer à l'objet aimé, par les souffrances les plus cruelles et les privations les plus pénibles." (D.l.R., p. 250).

Nous voyons donc que pour Constant le sentiment religieux est une condition nécessaire d'un dépassement réel de l'ordre de la nature. Il faux dire clairement que ce n'est pas la condition unique. L'esprit humain en est aussi une. Mais savoir ce qui est bon, et faire le bien, ce sont deux choses différentes. Le sentiment représente ici la force causale.

b. L'axiologie.

Une anthropologie antinaturaliste implique une axiologie antinaturaliste. Affirmant que l'homme a une concience des valeurs objectives on suppose que ces valeurs possèdent leur manière d'exister indépendente. Une axiologie naturaliste admet uniquement les valeurs utilitaires, qui par leur nature sont subjectives. Elles "existent" seulement grâce aux besoins et désires humains.

Il est cértain quesi nous voulions déchiffrer l'axiologie constantienne, elle apparaîtrait antinaturaliste. Nous ne trouverons aucune theorie axiologique explicite ni dans De la religion..., ni dans Du polytheisme... . Nous devons néanmoins apercevoir que ces oeuvres sont une protestatation contre l'utilitarisme et sa théorie naturaliste de la moralité. L'histoire du sentiment religieux y présentée est aussi l'histoire d'une bataille entre le sentiment religieux - un symbole d'un nouveau regard romantique de l'homme, et la raison et l'égoisme - les symboles d'un regard propre au siècle des lumières. Sans doute, la passion avec laquelle Constant défend le sentiment, était causée par le zèle pour l'idée naîssante. Mais elle est aussi effectuée-par la conviction plus rationnelle, étant un résultat de son principe méthaphysique antinaturaliste. En défendant le sentiment religieux, il défend l'existence des valeures objectives.

Dans la bataille mentionnée ci-dessus, la raison assez fréquemment prend le parti de l'égoïsme, mais une analyse entière du texte indique le fonctionnement plus cohérent du sentiment et de la raison, pendant que l'égoïsme reste toujours son ennemi mortel. Constant décrit les luttes de ces trois éléments dans le processus du développement des formes religieuses. Le processus, pas linéaire et pas simple, est un effort terrible de perfectionnement. (Je le nomme "terrible" parce que il est, pour Constant, une série des luttes impitoyables entre les idées, les intérêts et les émotions; des luttes réelles, c'est-à-dire, des luttes entre les hommes concrets, des luttes qui ont besoin des vaincus et des vainqueurs, qui ontbesoin de temps en temps des victimes sanglantes).

On ne peut pas douter que selon Constant, le processus du perfectionnement est effectué par l'effort commun du sentiment et d'esprit. Je vais évoquer un assez long fragment du texte:

"Une lutte s'élève, non-seulement entre la religion établie et l'intelligence qu'elle blesse, mais entre cette religion et le sentiment qu'elle ne satisfait plus. Cette lutte amène la troisième époque, l'anéantissement de la forme rebelle, et de là, les crises d'incrédibilité complète, crises désordonnées et quelquefois terribles, mais inévitables, quand l'homme doit être délivré de ce qui ne lui serait désormais qu'une entrave. Ces crises sont toujours suivies d'une forme d'idées religieuses, mieux adaptée aux facultés de l'esprit humain, et la religion sort plus jeune, plus pure et plus belle de ses cendres." (D.l.R., p. 145).

Il est certain que le processus du perfectionnement s'exécute au niveau de la conscience. L'homme se perfectionne en perfectionnant: son savoir (ses idées sur les objets), sa morale (ses idées sur les relations entre les sujets humains), et sa religion (ses idées sur les relations de l'homme avec l'être qui le dépasse). Le perfectionnement des toutes ces idées ne serait pas possible si l'homme n' était pas un être rationnel, s'il n'aurait pas la concience des valeurs objectives: des valeurs cognitives, des valeurs ethiques et des valeurs religieuses. Mais il ne serait pas possible non plus sans une force qui pousse l'homme vers ces valeurs et, chez Constant, il faut voir cette force dans le sentiment religieux.

Si nous suivons les réflexions de Constant sur l'histoire du perfectionnement de l'homme nous sommes frappés d'une triste pensée que les momentes des triomphes communs du sentiment religieux et de la raison sont rares et brefs, et les époques du règne de l'égoïsme qui dirige tous les effors humains vers les valeurs utilitaires, sont longues et fréquentes. Cette pensée est adéquate à une thèse, qui semble vraie et importante. Elle dit qu'une influence des valeurs utilitaires sur les actions des hommes est plus forte que l'influence des valeurs objectives. Les valeurs utilitaires agitent avec la force impétueuse éloignant de notre champ de vue les valeurs objectives. Les valeurs objectives cependant, bien qu'elles existent indépendemment d'une autre existence quelconque, aparaissent au monde sensible (naturel) seulement par leur influence sur les actions humaines (v. B. Wolniewicz; op.cit.; pp. 97/98). S'il n'y a pas cette influence, elles disparaissent et on peut penser qu'elles n'existent pas et on peut croire aussi que l'homme n'est pas capable de dépasser la nature ni vers la vérité que l'on pense toujours relative, ni vers le bien que l'on pense toujours subjectif, ni vers la sainteté qui n'est qu'une hallucination des personnalités mal accommodés.

Dans De la religion... et dans Du polythéisme... on trouve les descriptions suggestives des époques où le sentiment religieux est aussi faible et l'esprit aussi dépravé que presque tous les hommes vivent contre leur nature sublime. Seulement peu d'entre eux agissent sous la pression impliquée par la conscience des valeurs objectives. L'optimisme constantien quant à la nature humaine doit être alors modéré. Jean Baelen a écrit avec justesse en parlant de la philosophie générale de Constant qu'elle est: "philosophie optimiste d'un tempérament pessimiste", et que: "Constant est convaincu de cette perfectibilité humaine qui fut chère aux Encyclopédistes et qui formait le fonds de pensée de l'ouvrage de Mme de Staël: De la littérature; mais il sait que le pacifisme, pas plus que le libéralisme ne sont dans les prédispositions naturelles de l'homme. Ils sont le fruit de la civilisation, du progrès. Le despotisme et l'esprit de conquête représentent des manifestations arriérées et virtuellement condamnées, quoique leurs possibilités demeurent grandes. Si le pire n'est pas toujours sûr, il est au moins probable." (J. Baelen; Benjamin Constant et Napoléon; Paris,1965; pp.138/139).

Je voudrais souligner ce "tempérament pessimiste" de la philosophie constantienne. Je pense qu'il a une grande importance pour la pensée sociale et politique de Constant. De cette méfiance de Constant à l'egard de la nature humaine résulte p. ex. sa préférance des transformations évolutives aux transformations révolutionnaires. Il choisi alors le modèle anglais des transformations sociales, (le modèle proposé par Locke et Jefferson), dans lequel les changements, limités et purement politiques, sont un couronnement d'un long processus historique. Constant n'est pas non plus d'accord avec Rousseau et son idée de l'égalité qui s'associe avec l'idée du socialisme et de la volonté du peuple. Il préfère l'idée de la liberté; la liberté qui: "se nourrit de sacrifices"; qui "veut toujours des citoyens, quelquefois des héros" (D.l.R., p.XLIV).

Pour Constant la liberté n'est pas toutefois une valeur objective. Elle n'est pas non plus une valeur utilitaire. Constant conçoit la liberté comme une condition importante (peut-être nécessaire) mais réelle (c'est-à-dire que l'on peut en parler seulement au niveau empirique) de la réalisation des valeurs objectives. La liberté n'est une valeur qu'à l'egard des valeurs objectives. Je propose alors d'admettre qu'elle est chez Constant une valeur fondamentale (La vie p. ex. serait aussi une valeur fondamentale). De cette manière, la liberté doit être gardée en conformité avec une lumière commune d'une société, mais elle ne doit pas se transformer dans un être idéal. On ne peut pas postuler la liberté absolue comme principe général du procèssus de changement d'une réalité humaine, comme p. ex. on peut postuler la vérité absolue comme principe général du développement de la connaissance humaine.

Dans le "tempérament pessimiste" de Constant je trouve une sorte de la modération rationnelle qui serait nécessaire dans les considerations actuelles sur l'homme et sur les conditions de son existence individuelle et sociale.

Annexe

Benjamin Constant est né à Lausanne en 1767 et mort à Paris en 1830; l'homme politique, le publiciste, l'écrivain, l'un des pères du libéralisme moderne.

Sa jeunesse était voyageuse, errante parfois, influencée par les rencontres et les lectures faites en Allemagne, en Angleterre, en France et en Suisse. Trois grandes aventures ont rempli sa vie pour l'essentiel. L'une, sentimentale et intellectuelle, se joua pendant une vingtaine d'années: c'est la relation avec Madame de Staël; la deuxième, publique et active, devait l'entraîner sur la route accidentée de l'engagement politique, depuis le Directoire jusqu'à la Monarchie de Juillet; dans la troisième enfin, plus intime, celle de l'écriture, il trouvait refuge en tous temps et toutes circonstances.

L'oeuvre de Benjamin Constant est vaste, très diverse et primordiale sous tous ses aspects. Ses textes littéraires {tels Adolphe, Ma vie, Cécile ou les Journaux intimes) sont autant d'étapes majeures dans l'histoire du roman et de l'autobiographie. Ses nombreux essais et ouvrages politiques (dont les Principes de politique de 1806 donnent une synthèse) révèlent une pensée forte et vigoureuse, centrée sur le principe de la liberté de l'homme dans les sociétés organisées et sur les fondements de la démocratie parlementaire moderne.

Mais Constant est aussi l'auteur d'un oeuvre mal connu, d'un oeuvre sur la religion, qui présente une réflection historique, philosophique et critique sur la question des formes que les sociétés ont offertes ou imposées à cette composante anthropologique, essentielle pour Constant: le sentiment religieux.

Constant conçoit l'idée d'une histoire du polythéisme dès 1785, mais il a travaillè pendant plus de quarante ans à son ouvrage, dont le titre général était De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Le premier volume parut à Paris (chez Bossange) en 1824 (la deuxième édition en 1826). Les tomes 2 et 3 paraissent (chez Béchet) en 1825 et en 1827. Les deux derniers volumes, auxquels Constant a mis la dernière main, sortent des presses après sa mort, (chez Pichon-Didier) en 1831. Un fragment posthume, entièrement redigè sauf le dernier chapitre, Du polythéisme romain, considéré dans ses rapports avec la philosophie grecque et la religion chrétienne, est publié en 1833 (éd. J. Matter, 2 vol., Béchet).

Depuis vingt dernières années on peut parler de la renaissance de la pensée constantienne. En 1979 à Lausanne ont été fondés l'Association Benjamin Constant (la continuation d'une première société des amis de l'auteur) et l'Institut Benjamin Constant de l'Université de Lausanne. Le nombre d'éditions de textes de Constant et sur Constant augmente et une diversification des titres s'est amorcée. Les Oeuvres complètes de Benjamin Constant (une cinquantaine de volumes prévus) sont en cours de publication chez Max Niemeyer Verlag à Tübingen.

 

* Le texte ici présenté est le développement de la communication prononcée à l'occasion du VI-e Colloque de Coppet organisé par la Société des Etudes Staëlienne (Paris) et L'Association Benjamin Constant (Lausanne) (Liège, 1-11-12 juillet 1997). Une première version a était publiée dans Le groupe de Coppet et le monde moderne. Conception-Images-Débats. Actes du VI-e Colloque de -Coppet..., Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettre de l'Université de Liège, Liège 1998.

** Uniwersytet Gdañski

Instytut Filozofii i Socjologii

ul. Bielañska 5

80-851 Gdañsk

Pologne

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Sabina Kruszyñska (1955), est professeur adjoint à l'Institut de Philosophie et de Sociologie a l'Université de Gdánsk (licence en mathématiques, doctorat en philosophie). Auteur des textes sur le structuralisme, sur le postmodern:sme et sur la philosophie de Benjamin Constant (livre: Benjamin Constant philosophe de la religion. La religion - la morale - la liberté, Gdánsk 2000). Membre de l'Association Benjamin Constant à Lausanne et de la Société Philosophique Polonaise.

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[Episteme ritiene al solito di fare cosa utile ai lettori presentando un intero numero della rivista on-line Liberalia, dedicato all'autore oggetto d'attenzione nel precedente saggio.]

Liberalia

libera lingua loquemur

ludis liberalibus

Periodico liberale di cultura, politica ed editoria

Dicembre 2001, n.18

["liberalia" <liberalia@tiscalinet.it>, "liberalia" <liberalia@libero.it>]

La libertà come orizzonte morale

Benjamin Constant, La libertà degli antichi paragonata a quella dei moderni, a cura di Luca Arnaudo, pp.60+XXXVI, Liberilibri, Macerata, 2001, lire 20.000 (il volume può essere ordinato direttamente all'editore: ama@liberilibri.it).

Personaggio storico dalla vita leggendaria, Benjamin Constant è stato, parola di Giovanni Sartori, "il più importante pensatore politico della sua epoca" - ed è una benedizione che Liberilibri, elegantissimo editore di Macerata, ristampi in un'edizione preziosa il suo La libertà degli antichi paragonata a quella dei moderni, testo di un discorso pronunciato all'ateneo di Parigi nel 1819, che è un piccolo grande classico del pensiero liberale.

Nato a Losanna il 25 ottobre del 1767, discendente degli ugonotti che avevano abbandonato la Francia dopo la revoca dell'editto di Nantes, Constant ha una formazione scostante ed errabonda - caratterizzata dai lunghi soggiorni presso l'università di Erlangen prima e quella di Edimburgo poi.

Quest'ultima, allora, era uno dei centri più floridi del pensiero Whig, alma mater di Adam Smith e di Adam Ferguson. Sul giovane Benjamin, la vita parigina e il gioco d'azzardo esercitano un fascino magnetico: bazzica i consessi intellettual-salottieri da prima dello scoppio della rivoluzione, a vent'anni appena. Ma, curiosamente, è solo il 18 ottobre 1794, in Inghilterra, che, auspice la cugina di lei Costance Cazenove d'Arlens, s'imbatte nella regina dei salotti, Madame de Staël.

"Napoleone è in guerra contro quattro potenze: l'Inghilterra, la Russia, l'Austria e Madame de Staël": questo si dirà, di lì a poco, di questa donna straordinaria. Figlia di Jacques Necker, banchiere ginevrino e ministro di Luigi XVI, nata a Parigi un anno prima di Constant e morta nel 1817 (le sopravvivrà per tredici anni), Anne-Louise-Germaine Necker, dopo aver rifiutato una proposta di matrimonio di William Pitt, convolerà a nozze, senza amarlo mai, con il barone de Staël-Holstein, ambasciatore di Svezia a Parigi (se ne separerà definitivamente solo nel 1802).

A Constant che la corteggia, dapprima oppone resistenza - salvo andarci a vivere assieme, all'inizio del 1795. I due torneranno a Parigi nel mese di maggio, quando Madame de Staël riaprirà il suo salotto in rue du Bac, senz'altro il più eclettico e rinomato di quei tempi. Da questa relazione turbolenta, fatta di alti e bassi e liti furibonde, movimentata da frequenti interludi amorosi con altri amanti tanto da parte di lui che da parte di lei, nascerà Albertine, terza "figlia" del barone svedese, cornuto e contento.

La liaison fra la de Staël e Constant dura fino al 1811, attraversa gli anni dell'ostracismo contro di lei (messa alla porta da Napoleone nel 1804) e dell'esilio volontario di lui (espulso dal Tribunato, di cui faceva parte, nel 1802), sino al matrimonio di Constant con Charlotte de Hardenberg nel 1806, e la nascita di Coppet, il ritiro intellettuale svizzero in cui brillano gli ultimi Lumi, e germogliano i primi fiori del romanticismo. A dispetto di questo prendersi e lasciarsi, il sodalizio fra Benjamin Constant e Madame de Staël è fra i più floridi sul piano intellettuale: la frequentazione con quest'autentico motore della vita intellettuale dell'Europa di quegli anni, con questa cosmopolita levatrice d'intelligenze, con questa intrigante libertaria si riverbera senz'ombra di dubbio negli scritti di Constant. A cominciare da quel De l'esprit de conquête et de l'usurpation che lo consacra nel 1813. Nel 1830, gravamente ammalato, Constant partecipa ai moti rivoluzionari - e si spegne dopo aver assistito all'affermarsi della monarchia di luglio.

In questo libretto a cura di Luca Arnaudo, oltre al discorso che gli dà titolo, vengono riproposte la Nota sulla sovranità del popolo e i suoi limiti (1818) e il saggio La letteratura nei suoi rapporti con la libertà. In tutto, fa una lettura veloce, sessanta pagine appena, ma corroborante, viva. C'è la grandezza di un classico, e la lievità serena della pamphlettistica migliore.

Diceva Constant di sè: "ho sempre difeso il medesimo principio: libertà in tutto; e per libertà intendo il trionfo dell'individualità, tanto sull'autorità che dovrebbe governare con il dispotismo, quanto sulle masse che reclamano il diritto di asservire la minoranza alla maggioranza. Il dispotismo non ha alcun diritto sull'opinione personale e ciò che è individuale non dovrebbe essere sottomesso al potere sociale".

Ci sono, in queste parole, un'immensa forza visionaria, un'incredibile capacità anticipatrice di quelle che saranno problematiche e sfide del liberalismo di domani: il matrimonio a termine con la democrazia, e il dover fronteggiare l'assalto impietoso del principio di maggioranza anzitutto.

Come ha scritto Ralph Raico, Constant è uno di quei personaggi che testimoniano come il liberalismo, pur non avendo avuto la Francia come terra d'elezione, è incredibilmente debitore alla tradizione francese. Ma, a differenza di intellettuali come Mercier de la Rivière e Du Pont de Nemours, o del suo contemporaneo britannico Jeremy Bentham, Constant non è un liberale d'ispirazione utilitarista. "E' dunque così vero che la felicità, di qualunque genere possa essere, è il solo scopo della specie umana?", si chiede in un dialogo ideale con i portabandiera dell'utilitarismo. La risposta è no: "Signori, io chiamo a testimone questa parte migliore della nostra natura, la nobile inquietudine che ci perseguita e tormenta, l'ardore di estendere le nostre conoscenze e sviluppare le nostre facoltà: non alla felicità soltanto, ma anche alla ricerca della perfezione il nostro destino ci chiama; e la libertà politica è il più potente ed energico strumento di perfezionamento che il cielo ci abbia concesso".

Come sottolinea ancora Raico, Constant smentisce inoltre il luogo comune del liberale economista, pur essendo un ardente alfiere della libertà di mercato. Le sue preoccupazioni oltrepassano le leggi dell'economia, per puntare al cuore del problema della libertà. Che è una questione morale. Per lo stesso motivo, Constant rigetterà la presunzione fatale dei liberali immaginari, apologeti a tutti i costi della Rivoluzione Francese (di cui, pure, ricorda il carattere emancipatore) - e condanna la pretesa di un laicismo a tutti i costi, di un anticlericalismo per tutte le stagioni, così tipico di certo illuminismo. Nelle sue Réflexions sur les Constitutions et les Garanties (1815), Constant elogia il carattere positivo del localismo, identificando nel senso di realtà verso la comunità e la famiglia un importante arma contro l'avanzare del dirigismo. La devozione alla propria terra più che alla bandiera "contiene i germi di una resistenza che l'autorità politica soffre, e che essa cerca in tutti i modi di sradicare".

Allo stesso modo, Constant prefigura i pericoli dello "Stato laico", che è solo un'altra variante dello Stato etico, che fa "della religione uno strumento contro la libertà" - e il pensiero corre all'immaginifica Chiesa della Ragione inaugurata da Robespierre.

Ma quale è la differenza fra libertà degli antichi e libertà dei moderni per come ce l'illustra Constant in questo straordinario discorso? La libertà degli antichi, che trovava forma nella democrazia diretta ateniese, non era il paradiso che ci disegnano: la guerra era l'attività primaria delle società, lo schiavismo il suo necessario corollario. La libertà dei moderni trae la sua forza in un'altra attività: il commercio. "Il commercio ispira agli uomini un vivo amore per l'indipendenza individuale: provvede ai loro bisogni, soddisfa i loro desideri, e questo senza l'intervento dell'autorità". E' l'esperienza del mercato a creare una sorta di anticorpo naturale al virus del dispotismo, perché "ogniqualvolta i governi pretendono di farsi i nostri affari, li fanno peggio e più dispendiosamente di noi" (e potrebbe essere quasi una legge della storia).

Per questo, e per gli interminabili vari impegni che la vita moderna porta con sé, nonché per l'estensione enormemente superiore degli Stati, Constant sostiene che la libertà nostra, a differenza di quella degli antichi, non è "partecipazione" nel dominio dell'uomo sull'uomo, non risiede nella presenza costante negli ingranaggi del potere collettivo. No: "la nostra libertà sta nel tranquillo godimento dell'indipendenza individuale". E il mercato contribuisce a rendere l'uomo sempre meno schiavo della politica: "l'esistenza individuale è meno inglobata nell'esistenza politica. Gli uomini trasferiscono lontano i propri tesori, portano con sé tutti i piaceri della vita privata; il commercio ha riavvicinato le nazioni e ha dato loro costumi e abitudini praticamente paralleli; i capi di Stato possono essere nemici, ma i popoli sono compatrioti". Difficile trovare formulazione più cristallina e convincente dell'ideale di pace e libertà, che unisce Constant a un altro grande teorico francese, Frédéric Bastiat. Ma è anche impossibile imbattersi in una citazione più profetica, sul mondo nuovo della globalizzazione: paradisi fiscali inclusi.

Constant previde non solo le gioie ma anche i dolori con cui oggi dobbiamo fare i conti: nella Nota sulla sovranità , mette in guardia dalla superstizione politica rousseauiana, denunciando il mito del potere al popolo e, in ultima istanza, la frode buonista della democrazia. Che "si rende colpevole allo stesso modo di un despota, che fonda il suo diritto sulla spada sterminatrice: la società non può eccedere nelle sue competenze senza essere usurpatrice, la maggioranza non può farlo senza essere faziosa". Il Contratto sociale di Rousseau è, per Constant, "il più terribile strumento d'aiuto di tutti i generi di dispotismo". Perché "il consenso della maggioranza non è per nulla sufficiente a legittimare i suoi atti: e quando una qualsiasi autorità commette atti criminali, poco importa da quale fonte essa dichiari di derivare; poco importa che si chiami individuo o nazione, perché sarà l'intera nazione, meno il cittadino che essa opprime, a non essere più legittima".

Giustizia, legittimità, libertà, individuo: sono queste le stelle polari del liberalismo di Constant. Una lezione che certi liberali alle vongole di oggi farebbero bene a ripassare.

(Alberto Mingardi)

(recensione uscita su "Il Nuovo" in data 17 settembre 2001)

 

Benjamin CONSTANT

Detail, in Nos Anciens et leurs Oeuvres, 1916

Centre d'Iconographie genevoise, coll. BPU

[Da: http://un2sg4.unige.ch/athena/html/swissaut.html]